Les métamorphoses du cerf.

Le cerf empaillé qu’il m’importe de présenter aujourd’hui est entré dans mon travail en 2011 : je l’ai acheté à un taxidermiste bourguignon afin d’en faire la Constellation du cerf, œuvre réalisée pour l’exposition « Rituels » curatée par Gaël Charbau à la Fondation d’Entreprise Ricard.

Pendant les beaux jours du printemps, j’ai installé mon cerf dans le jardin, et commencé à le recouvrir de clous de différentes tailles, sur la totalité de sa surface. Les bois ont été la partie la plus difficile à travailler : il fallait les percer afin que les clous soient bien ancrés.

Ensuite, j’ai relié les clous les uns avec les autres avec du fil de coton blanc, pendant plusieurs semaines, jusqu’à obtenir comme un cocon autour de la taxidermie.


Etapes de réalisation de la Constellation du cerf, 2011

Cette pièce fait partie des Animaux stellaires, série développée depuis 2008, inspirée des travaux d’une ethnoastronome sur la Grotte de Lascaux.

Selon Chantal Jègues-Wolkiewiez, les points principaux des animaux peints dans la Salle des Taureaux correspondaient sur les parois à l’emplacement d’étoiles dans le ciel : Ils formaient une carte des constellations qui permettent aujourd’hui encore de se repérer dans l’espace. En outre, la grotte est inclinée de telle façon que le soleil y entre et éclairait les peintures les jours de solstices d’été. Aussi la chercheuse a-t-elle conclu à un site rituel chamanique. Les peintures n’ont-elles pas, en effet, quelque chose d’un mode d’emploi imagé de la transe : lorsqu’ils regardaient les peintures sur les parois d’une grotte, ils étaient projetés vers ce qu’il y a de plus lointain dans notre monde : les étoiles. Si la grotte est une allégorie du corps, alors cette projection n’est-elle pas une allégorie de la transe, lorsque l’individu quitte son corps pour évoluer dans le monde des esprits ?

Dans mes travaux stellaires, la taxidermie remplace la grotte, le clou est le lien entre intérieur et extérieur qui projette vers les astres et enfin, le fil correspond au geste qui consiste à relier les étoiles les unes aux autres pour créer des constellations.


Constellation du cerf II, exposition Rituels, Fondation d’Entreprise Ricard, Paris, 2011  

Deux années plus tard, je décidais de couper les fils et d’enlever tous les clous afin de transformer l’œuvre.


Démontage de la Constellation du cerf, 2013

C’est au cours de l’été 2013 et aidé par une fine équipe d’étudiants en écoles d’art que l’ancienne Constellation du cerf est devenue Printemps (nymphe de cerf). Il nous aura fallu environ deux mois pour le couvrir partiellement de perles de rocailles multicolores, lui créer un socle imposant, couvert de peaux de chevreuils et de perles et enfin, de prolonger ses ramures par des branches de noisetier.

Dans cette deuxième version, on s’éloigne des étoiles pour se rapprocher des insectes. La Constellation du cerf m’a toujours fait penser aux cocons que se tissent les chenilles de bombyx pour se transformer en chrysalides puis en papillons. Et il me semble que les perles, d’abord enfilées sur du coton, puis collées en spirales, forment une sorte d’armure renvoyant à la chrysalide.

Dans l’histoire de cette pièce il y a donc une corrélation, récurrente dans mon travail, entre les états de la transe des humains et la transformation des larves (chenilles) en individus matures (l’imago, le papillon).


Printemps (nymphe de cerf) entouré de tapisseries de Jean-Baptiste Oudry au Musée de la Chasse et de la Nature, 2015

Après avoir été montrée au Museum National d’Histoire Naturelle (Paris, 2013), au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris, 2015) et à la Chapelle de l’Hospice d’Havré (Tourcoing, 2015), le Printemps (nymphe de cerf) sera exposé en juin au Château de Flers en compagnie d’un tableau de Courbet (Le cerf dans la forêt) dont la fraiche restauration sera partagée avec le public.

Pour en savoir plus sur la restauration, vous pouvez visiter ce lien :

http://visite-d-atelier.blogspot.fr/2015/01/restauration-en-cours-du-cerf-dans-la.html


Printemps (nymphe de cerf) à l’Hospice d’Havré, Tourcoing, 2015

Comments

    You need to be logged in to leave a comment